Laurent Gauriat, Joël Cuoq, Journaliste radio. Une voix, un micro, une écriture, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble (PUG), Collection « Les Outils du Journaliste », 2016, 168 pages.

Jean-Jacques CHEVAL

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Manuel pratique consacré au journalisme radiophonique, l’ouvrage est tout autant un plaidoyer convaincu pour la radio et sa mission d’information. « J’adore la télé. En fermant les yeux, c’est presque aussi bien que la radio », disait Pierre-Jean Vaillard, chansonnier et homme de radio. Cette déclaration humoristique d’affection pour le média radiophonique, les auteurs Laurent Gauriat, Joël Cuoq, la partage assurément. Avec quelques autres reproduites dans le volume, cette citation témoigne de la foi de ces professionnels pour une radio où ils officient ou ont officié au sein du service public. Tous deux rédacteurs en chef au sein de stations locales de Radio France (réseau France Bleu) et formateurs, ils disposent d’une connaissance pratique et passionnée de l’information radiophonique, de ses atouts et de ses règles, genres et outils qu’ils se proposent de présenter synthétiquement aux lecteurs. Ici et là, ils convoquent les témoignages vivants et sympathiques de plusieurs de leurs collègues (le plus souvent eux aussi issus du service public) pour appuyer, illustrer leurs propos.

Ce livre comble un manque dans la bibliographie française disponible jusqu’à présent sur la radio. Il, nous dit-on, « se destine en priorité aux étudiants en journalisme qui trouveront au travers de ces chapitres un condensé pédagogique de tout ce qu’ils tentent d’appréhender durant leur apprentissage dans les écoles de journalisme. Mais au-delà de ceux qui aspirent à faire ce métier exigeant, les auteurs s’adressent aussi à tous les amoureux du média radio qui, à la lecture de ces pages, pourront parfaire leurs connaissances sur ces voix, ces mots qui sortent du poste tous les jours ». Cette présentation est juste et le contrat rempli.

Les deux auteurs dressent tout d’abord un rapide panorama du paysage radiophonique français et posent le constat d’une radio toujours bien présente, disposant encore d’une audience plus que conséquente. « Plus de 43 millions d’auditeurs quotidiens ! Ce record enregistré par Médiamétrie en septembre 2013 et mars 2014 confirme une tendance lourde : le média radio a gagné 1,4 millions de fidèles en 10 ans » (p. 19). Ainsi « la radio va bien ! », le jugement est répété à plusieurs reprises. Elle dispose, en outre, d’une forte crédibilité, ces constats justifiant l’intérêt que l’on peut lui porter.

Si la musique reste le premier motif d’adhésion du public, l’information se place au second rang. Cette information radiophonique se décline à travers les journaux, mais aussi avec les bulletins spéciaux, l’urgent, l’alerte, le flash, ou bien des genres plus spécifique ; telles les matinales, les revues de presse, l’invité politique, l’éditorial, la chronique judiciaire, les émissions sportives.

Les auteurs énoncent et décrivent les différents outils du journaliste radio. En premier lieu le son bien sûr, les moyens de le recueillir, les traitements qui lui sont appliqués ; mais aussi la voix, et sa maîtrise. Le chapitre « les mots » est consacré au rappel des règles d’or de l’écriture journalistique, en général et de manière appliquée au milieu radiophonique. L’exposé s’accompagne de conseils éclairés aux néophytes pour éviter les chausse-trappes, les clichés. L’éventail des professions est décliné, du reporter au rédacteur en chef en passant par le présentateur, le journaliste animateur, l’interviewer.

Au crédit du volume, on ajoutera des infographies et quelques exercices proposés aux impétrants à la qualité de journalistes radio. Ce monde de la radio est aussi fait de codes professionnels, de jargon. L’abondant glossaire proposé (pp. 153-160), à cet égard, est certainement très utile.

Un bémol peut-être. Il est dommage sans doute que l’ouvrage s’ouvre sur une erreur historique notable. S’il est vrai que l’expérience du 28 mars 1899 menée par Guglielmo Marconi, entre Douvres et Wimereux, compte dans la longue histoire de l’invention de la radio, il ne s’agissait pas déjà de radio, mais encore de télégraphie sans fil. La téléphonie sans fil, a dû attendre quelques années de plus pour voir le jour et avec elle la naissance d’une radiodiffusion enfin sonore (1906). On peut aussi relever que le ton des auteurs est parfois typiquement « journalistique ». Qualifier de « révolution », un changement de grille sur France-Info, n’est-ce pas tomber dans ces clichés de langage évoqués par ailleurs ?

Mais, il faut le préciser, manuel revendiqué pour tel, il ne s’agit pas d’un ouvrage doctement académique dédié à l’analyse, au décryptage du média. Il souhaite s’inscrire « Modestement (…) dans une chaîne d’échanges entre professionnels ». De fait, on ne reprochera pas aux praticiens qui l’ont écrit de ne pas évoquer de savantes questions théoriques, épistémologiques ou heuristiques.

Pour autant certaines problématiques sont évoquées, telles les questions de déontologie. Les conséquences d’une rapidité de réaction toujours plus souvent requise et les risques que cela entraine, paradoxalement, pour le média de l’immédiat. De même, l’ouvrage se clôt sur les mutations à l’œuvre induites par la convergence numérique. Évoquant les nouvelles potentialités offertes, les auteurs n’esquivent pas, non plus, les interrogations posées sur l’évolution de l’identité du média lui-même, sur les conditions de travail et les nouvelles exigences professionnelles réclamées aux journalistes de radio.

Pour citer cet article

Référence électronique

Jean-Jacques CHEVAL, « Laurent Gauriat, Joël Cuoq, Journaliste radio. Une voix, un micro, une écriture, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble (PUG), Collection « Les Outils du Journaliste », 2016, 168 pages. », RadioMorphoses, [En ligne], n°1 – 2016,  mis en ligne le «18/11/ 2016», URL : http://www.radiomorphoses.fr/index.php/2016/06/22/laurent-gauriat-joel-cuoq-journaliste-radio-une-voix-un-micro-une-ecriture-grenoble-presses-universitaires-de-grenoble-pug-collection-les-outils-du-journaliste-2016-168-pages/

Auteur

Jean-Jacques CHEVAL est Professeur en Sciences de l’Information et de la Communication, à l’Université Bordeaux Montaigne (MICA- EA 4426).

Courriel:  jjcheval@msha.fr

Remerciements comité de lecture n°1

RadioMorphoses remercie les membres du comité de lecture qui ont contribué à l’évaluation des textes publiés dans ce premier numéro :

Henri Assogba (Université Laval, Canada)

André Breton (UQAM, Canada)

Simona De Iulio (Université Lille 3)

Laurent Fauré (Université de Montpellier)

Abdelkarim Hizaoui (Université de la Manouba, Tunisie)

Alain Kiyindou (Université Bordeaux Montaigne)

Annie Lenoble-Bart (Université Bordeaux Montaigne)

Pierre Morelli (Université de Lorraine)

Madalena Oliveira (Université de Braga, Portugal)

Derek  Vaillant (Université du Michigan Ann Arbor, USA)

Carmen Peñafiel (Université de Bilbao)

Numérisation de la radio : pratiques et perspectives

Pascal RICAUD et Nozha SMATI

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Les textes retenus pour ce premier dossier thématique de RadioMorphoses s’articulent autour de la numérisation de la radio et témoignent des pratiques et des perspectives qui lui sont attachées dans des contextes spécifiques français, portugais et dans le cadre plus large de l’Afrique de l’Ouest.

Ce dossier reprend cette thématique discutée lors du colloque international  « Information et journalisme radiophonique à l’ère du numérique » organisé à Strasbourg les 20 et 21 mars 2014 par le Groupe de recherches et d’études sur la radio, le Centre universitaire d’enseignement du journalisme de l’université de Strasbourg avec la collaboration de Radio France Internationale, sous la responsabilité scientifique de Christophe Deleu. Tout en croisant les regards constructifs de chercheurs et de professionnels, ce 7ème colloque du GRER a été l’occasion de nourrir et de développer la réflexion et le débat sur la radio et ses mutations en termes de contenus, de formats, de pratiques, d’usages et de représentations (Smati, 2014). S’inscrivant dans cette même perspective, le 4ème colloque organisé en 2009[1] s’interrogeait déjà sur le développement d’une radiodiffusion en mutation, soulignant à la fois la grande capacité d’adaptation du média à travers l’Histoire et l’importance du défi numérique pour qu’il se réinvente, non pas comme une simple « radio numérisée » (à partir de ses versions analogiques) mais de manière plus profonde sur le plan technologique, éditorial, et celui des usages.

Les articles réunis dans ce premier dossier de RadioMorphoses inscrivent leur recherche en sciences de l’information et de la communication et viennent souligner et interroger la manière dont la radio rencontre le numérique et compose avec les nouveaux dispositifs qu’offrent le web et les réseaux sociaux.

L’objet « radio on-line » (ou la « webradio ») est encore difficile à saisir tant les cadres de production, les projets éditoriaux (quand ils ne sont pas absents), l’intégration ainsi que les apports du multimédia et des dispositifs techniques interactifs (web 2.0) sont diversifiés et imbriqués. D’ailleurs les radios on-line ne constituent pas encore un terrain de recherche de prédilection dans la communauté scientifique. La diversité des situations décrites dans ce dossier témoigne pourtant de la nécessité de les saisir dans une perspective pluridisciplinaire et selon une approche sociotechnique, voire comparative pour mieux en comprendre les contextes, les enjeux, les dissonances et concordances. Il s’agit en outre d’avancer d’un point de vue scientifique dans un travail de modélisation, de conceptualisation (même à moyenne portée) et de définition des moyens d’observation et d’analyse adaptés pour questionner les objets radiophoniques à l’heure du numérique. Le chercheur doit en effet réinventer des outils méthodologiques d’observation et d’interprétation afin de saisir la complexité de ces objets numériques et les (nouvelles) pratiques qui y sont rattachées (Barats, 2013).

Ce dossier apporte un premier éclairage de la question de la numérisation de la radio et de ses conséquences. En mettant en exergue les spécificités de ce média dans des contextes différents, le processus de numérisation est appréhendé dans une perspective critique permettant de saisir les permanences, les ruptures et les logiques internes qui sous-tendent ce phénomène. Dédiés au média radiophonique, les articles ici publiés inscrivent leur recherche dans les grandes thématiques qui traversent depuis une décennie les  travaux en SIC sur la numérisation des médias :

  • Dans le prolongement de l’analyse des phénomènes de déterritorialisation/ globalisation/ décentralisation et transnationalisation médiatiques, ou plus récemment de transmédiatisation (Jenkins, 2013) de médias aujourd’hui dits « participatifs », un ensemble de recherches s’intéresse plus particulièrement à l’évolution des publics, de leurs pratiques et de leur place dans la chaîne de production et de diffusion de l’information ; interrogeant une dimension participative, citoyenne, parfois de manière critique (Carpentier, 2011) ou plus ou moins prudente (Dahlgren, 2000, 2009 …) ;
  • Plus largement avec le cross-media se pose la question des nouveaux usages médiatiques par les internautes d’une information gagnant en circularité et empruntant des supports et formats de plus en plus diversifiés. On peut se demander d’ailleurs quelle est encore la place réelle de la radio, de sa pratique, dans un univers et un espace-temps multimédiatiques qui finiraient même par l’englober. C’est d’ailleurs le sens de la réflexion de Séverine Equoy-Hutin et Andrée Chauvin-Vileno dans ce premier numéro de RadioMorphoses quand elles se demandent si « les possibilités multimédiatiques (combiner/substituer au son l’image et le texte) et cross médiatiques (changer de supports) » mettent en relief « la spécificité du dispositif radiophonique, ou la banalisent pour fonder une convergence culturelle des usages » ;
  • Au-delà de l’appropriation ou de l’adaptation des usages à ces nouveaux dispositifs numériques, cross-médiatiques et interactifs se pose notamment la question des nouvelles interactions, des nouvelles collaborations qui s’instaurent entre les divers acteurs de la chaîne de l’information et leurs publics. Les travaux sur le journalisme amateur ou participatif sont notamment relativement importants en France (Ruellan : 2007 ; Pignard-Cheynel et Noblet, 2010 ; Rebillard, 2011 ; Nicey, 2012, Rieffel, 2014 …), parfois dans une perspective critique ou relativisant l’aspect novateur et l’ampleur du phénomène (Rebillard, 2007). D’autres travaux (Rieffel, 2001 ; Pélissier, 2001, 2003 ; Estienne, 2007…), sans ignorer l’importance dans ce cadre des frontières de plus en plus poreuses entre les divers acteurs qui participent à la (re)production et la (re)diffusion d’informations, se sont concentrés sur l’impact de la transition numérique (multiplication des tâches, diversification et transfert de compétences, développement du MoJo (mobile journalism),…) encore sans doute loin d’être achevée, sur les pratiques et identités des journalistes, notamment radiophoniques (Smati, Ricaud, 2015).

Aussi la numérisation de la radio fait-elle aujourd’hui l’objet de recherches offrant des regards diversifiés, plus ou moins critiques, sur un phénomène polymorphe.

Dans une perspective sémio-communicationnelle et en s’appuyant sur le «tournant postradiophonique » et la « postradiomorphose », Séverine Equoy Hutin et Andrée Chauvin Vileno pointent les transformations radiophoniques liées au web hypermédiatique à travers l’étude d’une émission dédiée à l’histoire diffusée sur Europe 1. Elles interrogent la manière dont s’équilibre la plurimodalité offerte par le web et la spécificité du dispositif radiophonique. La contribution expose finement la circulation entre divers dispositifs mutimodaux (site de l’émission, page facebook de l’animateur, page facebook de l’émission, site de partage Youtube, la page twitter de l’animateur, etc) en considérant « leur spécificité, leur croisement et leur mutualisation » pour saisir les formes de circulation et de transmission des discours médiatiques et les nouvelles modalités d’énonciation. Les déclinaisons de l’émission dans des espaces numériques différents participent de l’enrichissement du  média radiophonique et permettent de saisir les gains potentiels que le web propose aux internautes/radionautes en termes d’accès à des contenus diversifiés, ou de mode d’écoute et de circulation des savoirs. Les auteures soulignent la transposition de l’émission sur le web, mettant en relief la spécificité et l’identité du radiophonique dans la mesure où c’est l’émission sonore qui accomplit le contenu principal, «confère un prestige de marque » et demeure centrale dans les divers espaces numériques consacrée à l’histoire.

Dans cette même perspective, Éliane Wolff souligne nettement, à travers l’expérience de radio FreeDom à l’île de La Réunion, la capacité de la radio à préserver son identité et ses pratiques face aux nouvelles opportunités numériques. L’auteure interroge la problématique de la post radio en montrant comment la radio investit a minima dans les potentialités qu’offre la numérisation en restant attachée à sa logique du flux pour satisfaire ses auditeurs adeptes de la libre antenne, qui est sa marque de fabrique. En effet, si elle n’a pas fait le choix de la délinéarisation (podcast, vidéos à la demande…), c’est avant tout parce que le principe même de son projet repose sur la couverture événementielle en direct et le suivi  « de bout en bout du déroulé de l’histoire ». D’une certaine manière pour ne rien manquer il faut rester à l’écoute, devant son transistor ou son smartphone à la main ! Sa diffusion sur le web offre certes de nouvelles formes d’écoute en ligne pour les Réunionnais de la diaspora mais leur appropriation demeure incertaine au regard du fort attachement de la population aux formes traditionnelles de diffusion et de contenus qui contribuent, jusqu’à ce jour, à la maintenir en tête des audiences et à entretenir un lien spécifique entre ses auditeurs territorialisés et expatriés. Enfin, la figure de l’auditeur-acteur, évoquée par Éliane Wolff, s’inscrit plus dans une histoire, dans une filiation, celle des radios libres, que dans le cadre d’une interactivité on-line.

À ce propos, Luis Bonixe met également en évidence la relativité des radios participatives (2.0), qui loin d’être représentatives de l’ensemble des radios on-line aujourd’hui, se caractérisent de plus par un niveau de participation relativement faible, fonctionnant plus sur le mode expressif que discursif, arrivant ainsi aux mêmes conclusions notamment que d’anciens travaux portant sur les dispositifs participatifs on-line (Ricaud, 2004). Luis Bonixe à travers son étude des trois radios portugaises d’information – Antena 1, TSF et Renascença – pose d’ailleurs d’emblée la question de l’ampleur et même de la réalité de la participation des internautes à la production d’informations en ligne. Ce spécialiste du journalisme radio, fait écho notamment aux propos de Dahlgren ou de Fenton (2010) qui relèvent que la participation online, comprise ici dans le sens de l’usage d’une argumentation solide et informée, se révèle encore d’une faible ampleur et peu diversifiée, malgré la multiplicité des moyens technologiques aujourd’hui potentiellement à notre disposition.

Si les conditions technologiques sont réunies, encore faut-il que les conditions sociales de leur utilisation le soient également. Or le journalisme participatif est une pratique expérimentée par quelques milliers d’individus présentant un profil particulier, possédants non seulement un fort capital culturel, mais ayant aussi « une habitude plus générale de l’expression d’idées, ainsi qu’un intérêt marqué pour la vie publique et les médias (…) » (Rebillard, 2011). C’est ce que rappelle aussi en substance Etienne Damome, plus loin dans ce dossier, soulignant « l’existence d’une double fracture liée aux caractéristiques socioéconomiques des internautes mais aussi à leur capacité cognitive à utiliser Internet (conséquence d’une combinaison complexe du capital humain et du capital social) ».

Dans une perspective également critique, Aude Jimenez, propose de dépasser la vision instrumentaliste et développementaliste largement répandue dans les études sur les radios communautaires africaines pour penser autrement les nouvelles formes de communauté à l’œuvre au sein de ces médias à l’heure du numérique. Faisant appel aux apports des Community Media Sudies l’orientation théorique ici privilégiée permet une meilleure conceptualisation et compréhension de l’identité, des acteurs et des publics de la Radio communautaire de l’Afrique de l’ouest, comme étant autant une communauté participative et innovante.

Sur ce même continent, Etienne Damome, décrypte la complexité du processus de numérisation des radios associatives et communautaires en Afrique de l’Ouest et les enjeux qui en découlent. Il dresse un état des lieux richement documenté de l’exploitation du numérique par ces médias de proximité et analyse les conséquences de cette numérisation en mettant en lumière une triple fracture numérique, sociale et culturelle entre ces radios et leurs publics ainsi que les disparités qui persistent entre radios d’un même pays voire entre différents pays d’une même région. La relativement faible connectivité de la radio aux TIC en Afrique de l’Ouest, se double en effet d’une disparité importante du taux moyens d’accès à Internet entre les divers pays évoqués par l’auteur (Burkina Faso, Bénin, Mali, Sénégal, Ghana, Sierra Leone, Niger), à laquelle s’ajoute une inégalité d’accès entre les radios commerciales privées et les radios communautaires ou à but non lucratif qui ne bénéficient pas des mêmes soutiens d’institutions occidentales. La première fracture, concernant les inégalités d’accès, en entraîne fatalement une autre liée aux inégalités d’usage.

Les divers auteurs tout en mettant en exergue des mutations « postradiophoniques », soulignent aussi les limites à ces évolutions pouvant être liées à des contraintes structurelles, à la nature même du projet éditorial ou au mode de fonctionnement de la radio comme dans le cas de Radio FreeDom.

Dans la continuité de ce premier dossier thématique, RadioMorphoses propose de poursuivre la réflexion sur la numérisation de la radio dans son second numéro à travers des contributions permettant, non pas de questionner la numérisation en tant que telle mais de considérer qu’elle donne à observer et à comprendre l’évolution des formats, des pratiques, des usages et modes d’expressions radiophoniques et de cerner les enjeux qu’elle recèle.

Bibliographie

BARATS Christine (dir.), Manuel d’analyse du web en sciences humaines et sociales, Paris : Armand Colin, coll. « U Sciences humaines et sociales », 2013, 258 p.

CARPENTIER Nico. Media and Participation: A Site of Ideological-Democratic Struggle, Bristol: Intellect, 2011. 405 p.

DAHLGREN Peter. Media and Political Engagement: Citizens, Communication, and Democracy, New York: Cambride University Press, 2009, 246 p.

DAHLGREN Peter. L’espace public et l’internet. Structure, espace et communication, In Communiquer à l’ère des réseaux, Réseaux, volume 18, n° 100, 2000, pp. 157-186.

ESTIENNE Yannick. Le journalisme après Internet, Paris : L’Harmattan, 2007.

FENTON Natalie. New Media, Old News – Journalism & Democracy in the Digital Age, London: Sage, 2010, 232 p.

JENKINS Henry, La culture de la convergence, des médias au transmédia, Paris : Armand Colin, 2013.

NICEY Jérémie.  La certification de contenus collaboratifs à l’agence photo Citizenside , Tic&Société [En ligne], Vol. 6, N°1 | Second semestre 2012, mis en ligne le 28 novembre 2012, consulté le 16 novembre 2016. URL : http://ticetsociete.revues.org/1183

PELISSIER Nicolas.  Les mutations du journalisme à l’heure des nouveaux réseaux numériques, Annuaire Français des Relations Internationales, 2001, pp. 912-930. En ligne : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/FD001421.pdf

PELISSIER Nicolas. Un cyberjournalisme qui se cherche, In  Les journalistes ont-ils encore du Pouvoir ?, Hermès, n°35, CNRS Edition, 2003, pp. 99-107.

PIGNARD-CHEYNEL Nathalie, NOBLET Arnaud.  L’encadrement des contributions « amateurs » au sein des sites d’information : entre impératifs participatifs et exigences journalistiques, In Florence Millerand, Serge Proulx, Julien Rueff, Web social. Mutation de la communication, Québec : Presses Universitaires de Québec, 2010,  pp. 265-282.

REBILLARD Franck.  Le journalisme participatif. De l’idéologie à la pratique, Argumentum, 6, 2007, pp. 11-23.

REBILLARD Franck. Création, contribution, recommandation : les strates du journalisme participatif, Les cahiers du journalisme, n° 22/23, automne 2011, pp. 29-41.

RICAUD Pascal. Vers de nouvelles situations délibératives via Internet : espaces publics partiels ou micro-espaces publics ? , in Bernard Castagna, Sylvain Gallais, Pascal Ricaud et Jean-Philippe Roy, La situation délibérative dans le débat public, Tours : PU F-R, 2004, Volume 2, pp. 87-103.

RIEFFEL Rémy. Révolution numérique, révolution culturelle ?, Paris : Gallimard, Col. Folio Actuel, 2014.

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RUELLAN Denis. Penser le « journalisme citoyen », M@rsouin. En ligne : http://www.marsouin.org/IMG/pdf/Ruellan_13-2007.pdf

SMATI Nozha. Information et journalisme radiophonique à l’ère du numérique, Le Temps des médias, 2014/2, n°23, rubrique Colloques, pp.203-206, [en ligne] http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=TDM_023_0201

SMATI Nozha., RICAUD Pascal. Les nouveaux modes de relation des journalistes à leurs publics. Les usages numériques chez les journalistes de RFI, RFSIC 7/2015, Les recherches sur les publics en sciences de l’information et de la communication, sous la direction de F. Gimello-Mesplomb et J-Ch Vilatte mis en ligne le 05 octobre  2015, [en ligne] : http://rfsic.revues.org/1484

Notes

[1] Vers la Postradio, Enjeux des mutations des objets et formes radiophoniques, Colloque international du GRER, 26-27-28 novembre, MICA, Université Bordeaux 3.

Pour citer cet article

Référence électronique

Pascal RICAUD, Nozha SMATI, « Numérisation de la radio : pratiques et perspectives », RadioMorphoses, [En ligne], n°1 – 2016, mis en ligne le «18/11/2016», URL : http://www.radiomorphoses.fr/index.php/2016/06/07/introduction-au-dossier/

Auteurs
Pascal RICAUD est Maître de Conférences en Sciences de l’Information et de la Communication, Université François Rabelais de Tours, Équipe PRIM, École de Journalisme de Tours.

Courriel : pascal.ricaud@univ-tours.fr

Nozha SMATI est enseignante chercheure en sciences de l’Information et de la Communication,  Université Lille 3, associée à l’Équipe GRECOM-LERASS (Toulouse 3) et au GERiiCO (Lille 3).

Courriel : nozha.smati@univ-lille3.fr

RadioMorphoses : pour combler un manque

Frédéric ANTOINE

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Une revue scientifique de recherche dédiée aux études radiophoniques et sonores : à ce jour, en langue française, ce support indispensable à l’étude de la radio n’existait pas encore.

Sous l’égide du  Groupe de recherches et d’études sur la radio (Le GRER), voici donc ce vide comblé grâce à la publication de Radiomorphoses. Et ce dans une configuration particulièrement actuelle, puisque cette revue ne sera accessible qu’en ligne.

Avec le lancement de cette revue, le GRER réalise un de ses objectifs originels. Dès sa création il s’était fixé comme but de contribuer au développement et à la valorisation de la recherche et des études scientifiques ainsi que de soutenir les mises en œuvre de pratiques novatrices autour de la radiodiffusion.

Depuis 1998, le groupe de recherche sur la radio milite ainsi, d’abord en France, puis dans le monde francophone et au-delà, pour la relance et le développement des recherches sur le radiophonique, il est vrai quelque peu délaissées dans le passé. Près de vingt ans après son lancement, cette ambition a été pleinement rencontrée. Jamais sans doute, depuis la généralisation de l’usage de la télévision et le développement des études qui y étaient liées, l’intérêt des chercheurs ne s’est à ce point porté sur le média radio et sur l’univers sonore qui l’entoure.

Radiomorphoses rencontre parfaitement ces préoccupations en alliant recherches théoriques et pratiques, en s’intéressant tant aux structures, à l’environnement, aux contenus, à la pratique et à la création radiophoniques, ainsi qu’aux publics et à la réception. La revue souhaite être ainsi un lieu de réflexions, dans des dimensions prospectives, sur la réalité actuelle et l’avenir de la radio, sur les problématiques et enjeux de ce média.

L’évolution technologique qui a touché toute la sphère médiatique, et les révolutions des modèles communicationnels qui l’ont suivie, ne sont bien sûr pas étrangères à ce regain d’attention. Les nouveaux modes de transmission du son, les nouveaux modèles de radio ainsi que les nouveaux modes d’usage de la radio (et les systèmes interactionnels qui y sont liés) ont constitué autant de champs d’investigation neufs apportant un bol d’air frais à l’univers des études radiophoniques.

À supposer qu’il eût pu en être ainsi. Car jamais, sinon en Europe au cours de la période des monopoles d’État, la radio n’a connu de période calme. Dès les années 1960, les radios pirates bousculaient le classicisme des systèmes radiophoniques établis, tout comme le feront les radios libres à la fin de la décennie suivante. La dérégulation totale des paysages radiophoniques, survenue dans les années 1980, avait elle aussi largement ouvert la porte à de nouvelles recherches sur ce média.

La radio a été, reste, et sera encore en constante évolution. Mais il faut reconnaître que l’attention dont elle fait l’objet de la part du monde scientifique est, elle, plus récente.

Depuis le début des années 2000, colloques, conférences internationales, thèses et travaux académiques sur la radio et les productions sonores se multiplient. Les réunions de chercheurs autour d’un thème radiophonique sont parfois si nombreuses à l’échelon international qu’il devient impossible de prendre part à tous ces événements.

Pour cadrer cette déferlante scientifique, dans le monde anglo-saxon, plusieurs revues accueillent les productions des chercheuses et des chercheurs.

Aux USA, le Journal of Radio & Audio Media fait écho aux travaux d’études de la radio depuis 2007, année où il prit le relais du Journal of Radio Studies, créé en 1992. En Grande-Bretagne, le Radio Studies Network, fondé en 1998, a lancé en 2003 The Radio Journal: International Studies in Broadcast and Audio Media. Celui-ci fait largement écho aux recherches menées dans l’ensemble du monde anglophone.

Il y a peu, la « Radio Research Section » de l’ECREA (European Communication Research and Education Association) a aussi annoncé le lancement d’une nouvelle revue, Radio, Sound and Society, un projet open access principalement destiné à accueillir les publications de jeunes chercheurs.

Toutes ces revues manifestent la vitalité de la recherche dans l’univers anglophone, mais rassemblent aussi les scientifiques qui entendent s’adresser à une communauté pratiquant la langue anglaise.

Face à la fois à la montée en puissance des recherches sur la radio et à la diversification des lieux de publication, il est apparu qu’il fallait intervenir dans ce domaine. Et proposer aux chercheurs et à tous ceux que les études radiophoniques intéressent une revue scientifique  dont l’essentiel des publications serait en français, concernerait principalement des thématiques touchant le radiophonique et le sonore dans le monde francophone et s’adresserait d’abord, mais sans aucune exclusivité, aux chercheurs et professionnels de la Francophonie.

Radiomorphoses permettra aux chercheurs de langue française de présenter dans ses dossiers thématiques mais aussi dans ses autres rubriques le résultat de leurs investigations en français tout en restant ouverte à des contributions en anglais ou en espagnol.

Toutefois, le but de Radiomorphoses sera d’abord de témoigner de la richesse, de la diversité et de la bonne santé des études radiophoniques et sonores en langue française. À ce titre, elle renforcera les activités que le groupe de recherche sur la radio organise déjà afin d’encourager la recherche dans ce domaine, que ce soit lors de colloques internationaux ou à l’occasion de séminaires ou de journées d’étude.

Radiomorphoses vient aussi au jour alors que paraît, sous la direction du président du GRER, Frédéric Antoine, le premier manuel de méthodes de recherches sur la radio jamais publié en langue française, manuel auquel ont contribué treize éminents membres du groupe de recherche[1]. La coïncidence est trop marquante pour ne pas être soulignée : au moment où le collectif de chercheur(e)s comble un manque en matière de revue scientifique consacrée à la recherche sur le radiophonique paraît aussi, grâce à son action, un manuel qui comble également un vide dans le champ des méthodologies liées à l’étude de la radio.

La conjonction de ces deux événements démontre le dynamisme et la qualité du travail réalisé par cette société savante, totalement ancrée dans la recherche, mais n’excluant d’étudier la radio et le sonore dans aucune de ses dimensions. Que ce soit en regardant son passé, mais aussi en envisageant l’ensemble des apports grâce auxquels le futur de ce média et de la recherche le concernant sont clairement assurés.

[1] ANTOINE Frédéric. (dir), Analyser la radio, Méthodes et mises en pratique, De Boeck Supérieur France, Louvain-la-Neuve, 2016, 256 p.

Pour citer cet article

Référence électronique

Frédéric ANTOINE,  « Radiomorphoses : pour combler un manque », RadioMorphoses, [En ligne], n°1 – 2016, mis en ligne le «05/10/2016 », URL : http://www.radiomorphoses.fr/index.php/2016/06/07/avant-propos/

Auteur

Frédéric ANTOINE est Professeur en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université Catholique de Louvain COMU, U. Namur et IAD. Il est Président du GRER.

Courriel : frederic.antoine@uclouvain.be