Dans le chapitre conclusif du manuel de la radio, Frédéric Antoine souligne qu’ « en ce début de siècle, la radio connaît de nombreux renouveaux, qui en modifient à la fois les contenus, les formes, les modes de transmission et de réception et revisitent son statut de média de masse » (Antoine, 2016 : 203). C’est ainsi un champ de recherche stimulant qui s’ouvre du côté des modalités de remédiation (Bolter et Grusin, 1999) et de ré-novation (Angé et Renaud, 2012) de la radio. Certes les travaux récents sur la radio insistent largement sur les évolutions liées au numérique et le tournant “postradiophonique” (Poulain, 2010 ; Gago et alii, 2007). S’il n’est pas possible d’en ignorer les enjeux ni d’en minorer l’impact, il ne s’agit pas dans ce dossier de s’en tenir à un questionnement spécifiquement centré sur les relations entretenues entre la radio et les nouvelles technologies numériques mais davantage de questionner les nouvelles pratiques et les nouveaux usages sous l’angle des nouvelles formes que ceux-ci produisent. Car, comme le rappelle Laurent Fauré, « les capacités d’adaptation de la radio à l’ère numérique se trouvent sans doute nourries de ses qualités antérieures et que le web a développées : audience massive, interactivité, instantanéité, technologie ‘légère’ et mobilité des usages […] mais aussi fonctionnements participatifs et de proximité… » (2013 : 8). Plus largement, nous proposons d’explorer les mutations de l’écriture radiophonique en relation avec les environnements quotidiens contemporains, numériques ou non, et les enjeux qu’elles recouvrent sous l’angle des tensions entre l’ancien et le nouveau. En effet, les phénomènes nouveaux « ne naissent pas de novo » (Angé et Renaud, 2012 : 37) et ces renouvellements engendrent des traces (Bachimont, 2017), dans la matérialité de l’écriture (Jeanneret, 2011).
Partant de la fonction d’accompagnement du quotidien (Starkey, 2008) que l’on reconnaît au média radio et notamment de l’idée que celle-ci évolue en relation avec les autres médias, sur le plan des pratiques de production comme de réception, des logiques de programmation et des formes, nous proposons de réunir dans ce dossier des études qui mettent l’accent sur les trans-formations contemporaines de l’écriture radiophonique : les contributions pourront proposer des questionnements théoriques (dans une perspective historique, sociologique, communicationnelle, anthropologique et discursive), méthodologiques (comment saisir l’évolution des formes? comment repérer les traces de ces mutations ?) ou empiriques (quelles innovations et quelles expériences sonores la radio propose-t-elle aujourd’hui ?).
Le concept d’écriture, entendu comme mode d’agencement des formes résultant d’une intention de rendre une pensée visible et communicable, a fait l’objet de nombreux travaux qui en ont montré toute la complexité (Leroi-Gourhan, Christin, Goody). Son intérêt réside notamment dans le fait qu’il renvoie à la fois à l’instance de production comprenant les logiques de l’ensemble des acteurs professionnels impliqués (Glevarec, 2001), les logiques organisationnelles (éditoriales notamment) et les logiques économiques ; à l’instance de réception (les publics, projetés ou réels) et aux logiques de fidélisation ; et au produit médiatique dans sa matérialité (les choix formels, énonciatifs, rhétoriques et discursifs tenant compte du dispositif – matériau et support -, des genres et formats, de la nature du propos et des systèmes de représentations associés).
L’écriture peut être considérée comme un système technique issu d’un processus animé d’une intention de communiquer, faisant l’objet d’une préparation (enregistrements, montage et travail des sons, structuration de l’émission) et d’une mise en œuvre pensée pour une activité de réception. Plus particulièrement, l’écriture radiophonique met en scène différents éléments « organisés, construits, élaborés selon certaines lignes d’orientation par la volonté d’un producteur ou d‘un auteur radiophonique » (Richard, 1985 : 30) et « recrée efficacement l’illusion d’une continuité cohérente, d’un temps plus intense : le temps de l’écoute » (Saint Martin et Crozat, 2007 : 7). Sa fonction première est d’organiser l’écoute en mettant en scène des éléments disparates dans une forme de flux qui suscite l’image et l’imaginaire (Oliveira, 2011). L’écriture produit et rend visible des traces (Jeanneret, 2011), des actes qui renvoient à des processus de production, de construction et de réception. Ce sont précisément ces dynamiques de variation et d’innovation que nous cherchons à saisir à travers l’observation des dispositifs radiophoniques contemporains.
Cet axe propose d’interroger la plasticité des genres, la diversité des formats et les relations intermédiatiques que la radio entretient dans leur relation à l’avènement ou au retour de formes ou de modes comme le récit qui, des radios hertziennes aux nouveaux supports radiophoniques, occupe aujourd’hui « des nouveaux espaces, avec un nouveau langage et des nouveaux usages » (Antoine, 2012 : 8). Depuis la typologie des genres radiophoniques des années 30 proposée par Méadel (1994) et l’ouvrage dirigé par Charaudeau (1984), quels renouvellements l’écriture radiophonique a-t-elle connu ? Peut-on détecter des thématiques, des genres et des formats nouveaux et pérennes ? A l’inverse, assiste-t-on à des disparitions, à des explosions ou à des retours en force de certains genres (par exemple issus de la radio numérique et de la web radio) ou de certains formats ? Comment ces thématiques, ces genres, ces formats émergent-ils en relation avec des contextes particuliers ou des évènements ?
Les logiques de programmation et leur évolution en relation avec des logiques économiques et des logiques d’usage méritent également d’être interrogées sous l’angle de l’écriture, des traces et des codes que les initiatives des programmateurs bousculent. Dans cette lignée, on peut questionner les relations à établir entre ces renouvellements, les publics et les nouveaux usages. Par exemple, quels ajustements aux temps sociaux (Glevarec et Pinet, 2007) des auditeurs peut-on observer ? Quelles modalités d’inclusion, de participation et d’interactivité avec l’auditeur, l’écriture radiophonique propose-t-elle aujourd’hui au regard des enjeux de fidélisation, des logiques de spécialisation, de la nature hétérogène des auditoires, des pratiques des publics et du passage au numérique ? Quelle modalités nouvelles d’écriture interactive (Séguy, 2000 ; Schmitt, 2016) et de mise en scène de la parole des autres (Deleu, 2006) peut-on observer à la radio ? Les radios musicales (Glevarec, 2007), compte tenu de leurs spécificités et de leurs contraintes, peuvent aussi être interrogées sous cet angle, de même que la distinction radios privées / radios publiques.
Un des objectifs de ce dossier est de s’intéresser aux créations et aux initiatives sonores telles qu’elles sont observables aujourd’hui : il s’agit notamment d’observer les dispositifs, d’identifier les acteurs et les contextes de ces performances sonores. Par exemple, des structures comme les radios associatives peuvent constituer des laboratoires de création sonore. Comment ces créations travaillent-elles les formes et la dimension esthétique de la radio (Biewen et Dilworth, 2017 ; Deleu, 2013) ?
Ces initiatives interrogent, renouvellent voire bouleversent les pratiques et les modes d’écriture. Dans le contexte du boom des podcasts et des téléchargements, les sites d’offres de podcasts radiophoniques (Binge, BoxSons, Slate, Arte Radio, Magnéto, Nouvelles écoutes…) redéfinissent la donne. Ces nouvelles offres attirent de nouveaux acteurs et de nouveaux financeurs (Amazon, le financement participatif type crowfunding, les abonnements…) : ces nouveaux acteurs peuvent-ils influencer le fonctionnement des radios ? De quelles manières ?
De façon transversale dans ce dossier consacré à la reconfiguration du périmètre et des formes radiophoniques, se poseront nécessairement des questions méthodologiques : les mutations observables engendrent de nouvelles méthodes d’analyse qui bousculent les approches plus « traditionnelles » de la radio. Ainsi, les disciplines qui développent une approche communicationnelle de l’écriture radiophonique et qui s’intéressent à ses enjeux matériels, sociaux et culturels réinterrogent leur modèle d’analyse. Quels types d’approche permettent de mieux saisir ces mutations (discursive, socio-technique, socio-sémiotique, sémio-pragmatique…) ? Dans quelle mesure les enquêtes de terrain permettent-elles de documenter les processus de production (Fauré, 2012) et d’observer ces mutations (Wolff, 2016) ?
Ce dossier sera donc également l’occasion de mettre en lumière des approches permettant de rendre compte des mutations de l’écriture radiophonique liées par exemple à l’intermédialité (Gaudreault et Marion, 1998 ; Müller, 1996) et à l’élargissement des frontières du radiophonique dans une perspective qui dépasse la question du support pour penser les modalités de reconfiguration des formes et des pratiques.
Angé Caroline et Renaud Lise, 2012, « Les écritures émergentes des objets communicationnels. De la rénovation », Communication & langages, 2012, pp. 35-39.
Antoine Frédéric (coord.), 2012, Radio et narration. De l’enchantement ou réenchantement, Recherches en communication, 37, UCL, Louvain-La-Neuve.
Antoine Frédéric (dir), 2016, Analyser la radio. Méthodes et mises en pratique, de Boeck, Louvain-La-Neuve.
Bachimont, Bruno, 2017, Patrimoine et numérique : Technique et politique de la mémoire, Paris, Ina Editions
Bolter J. et Grusin R. (1999), Remediation : undestarding New Media, MIT Press.
Biewen, John ; Dilworth, Alexa (Éd.), 2017, Reality radio. Telling true stories in sound, Durham N.C, University of Carolina Press, (2nd edition).
Bouchardon Serge, Cailleau Isabelle, Crozat Stéphane, Bachimont Bruno, Thibaud Hulin, 2011, « Explorer les possibles de l’écriture multimédia », Les Enjeux de l’information et de la communication, 2/2011 (n° 12/2), pp. 11-24.
Charaudeau, Patrick (dir.), 1984, Aspects du discours radiophonique, Didier-Érudition, Paris.
Cheval, Jean-Jacques, 2008, « De la radio à la postradio », Médiamorphoses n° 23, Bry-sur-Marne, INA, pp. 23-29
Deleu, Christophe, 2013, Le documentaire radiophonique, Paris, INA/L’Harmattan, coll. Médias Recherches.
Deleu, Christophe, 2006, Les anonymes à la radio. Usages, fonctions et portée de leur parole, Bruxelles, De Boeck/INA, coll. Études.
Fauré, Laurent, 2013, « Analyser les pratiques discursives radiophoniques : nouveaux enjeux et perspectives », Cahiers de praxématique [En ligne], 61, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 09 mars 2017. URL : http://praxematique.revues.org/2429
Gago, Laurent, Cheval, Jean-Jacques & Gire, Silvain, 2007, « ARTE Radio.com : la radio est un art, pas seulement un transistor », Médiamorphoses, 23, Entretien avec L. Gago & J.-J. Cheval, pp. 133-138.
Gaudreault, André et Marion, Philippe, 1998, « Transécriture et médiatique narrative. L’enjeu de l’intermédialité », in André Gaudreault (dir.), Thierry Groensteen (dir.), La Transécriture. Pour une théorie de l’adaptation, Québec/Angoulême, Nota Bene/Centre national de la bande dessinée et de l’image, pp. 31-52
Glevarec Hervé, 2014, « Le propre de la radio. Fonctions radiophoniques et nouveau statut de la radio dans l’environnement numérique », Le Temps des médias, 22, pp. 123-133.
Glevarec Hervé, 2001, France Culture à l’œuvre. Dynamique des professions et mise en forme radiophonique, Paris, CNRS Editions.
Glevarec Hervé et Pinet Michel, 2007, « Les temps sociaux de la radio », Quaderni, n°64, pp. 113-120.
Glevarec Hervé et Pinet Michel, 2007, « L’écoute de la radio en France. Hétérogénéité des pratiques et spécialisation des auditoires », Questions de communication, 12, pp. 279-310.
Guglielmone Isabel, 2012, « La radio ‘enrichie’. Nouveau support, nouveau récit ? », Radio et narration. De l’enchantement ou réenchantement, Recherches en communication, 37, UCL, Louvain-La-Neuve, pp. 129-142.
Jeanneret, Yves, 2011, « Complexité de la notion de trace », in L’homme trace. Perspectives anthropologiques des traces contemporaines (B. Galinon Mélenec, dir), CNRAS Editions, pp. 59-86.
Le Pajolec Sébastien, 2012, « Entretien avec Emmanuel Laurentin », Sociétés & Représentations, 1/2012 (n° 33), pp. 241-252.
Méadel, Cécile, 1994, Histoire de la radio des années 30. Anthropos/INA.
Müller, Jürgen Ernst, 1996, Intermedialität : Formen moderner kultureller Kommunikation, Münster, Nodus.
Oliveira, Madalena, 2011, « L’esthétique de l’écoute », Sociétés, 1/2011, 111, pp. 123-130.
Poulain, Sébastien, 2010, « Colloque ». Le Temps des médias 14(1), 256-257. DOI : 10.3917/tdm.014.0256
Richard Lionel, 1985, « De la radio et de l’écriture radiophonique », Semen [En ligne], 2 | 1985, mis en ligne le 12 juin 2007, consulté le 07 décembre 2016. URL : http://semen.revues.org/3733
Saint Martin Dominique et Crozat Stéphane, 2007, « Écouter, approfondir… Perspectives d’usage d’une radio interactive », Distances et savoirs, 2/2007 (Vol. 5), pp. 257-273.
Seguy Françoise, 2000, « Les questionnements des écritures interactives », Les enjeux de l’information et de la communication, Grenoble, Université Grenoble III, Février 2000, Disponible sur : http://w3.ugrenoble3.fr/les_enjeux/2000/Seguy/index.php
Schmitt Blandine, 2016, Radiographie de l’interactivité radiophonique. Sciences de l’information et de la communication. Université Michel de Montaigne – Bordeaux III.
Starkey, Guy, 2008, « La bande sonore de nos vies », Médiamorphoses n° 23, Bry-sur-Marne, INA, pp. 139-143.
Wolff Éliane, 2016, « Les (nouveaux ?) territoires de la radio Radio FreeDom et ses auditeurs », RadioMorphoses, [En ligne], n°1 – 2016, mis en ligne 18/11/2016 , URL : www.radiomorphoses.fr/index.php/2016/05/04/les-nouveaux-territoires-de-la-radio-radio-freedom-et-ses-auditeurs/
Calendrier pour une parution à l’automne 2018
- lancement de l’appel : 1er décembre 2017
- retours des propositions aux coordinateurs : 15 janvier 2018
- décision communiquée aux auteurs : début février 2018
- retours des articles pour phase d’expertise : 1er mai 2018
- retour d’expertises : juin 2018
- phase de retravail des articles après retour d’expertise : juin-octobre 2018
- dépôt du numéro à la revue : novembre-décembre 2018
- hiver 2018 : mise en ligne
Les propositions, sous forme de résumés en français d’une longueur d’environ 3000 signes (espaces compris), doivent être envoyées aux deux coordinateurs :
Christophe Deleu : lalointaine@gmail.com
Séverine Equoy Hutin : severine.equoy-hutin@univ-fcomte.fr
Afin de préserver l’anonymat des propositions, la première page doit contenir : le titre de la proposition, les noms, les coordonnées de l’auteur ou des auteurs et leur affiliation institutionnelle, ainsi que cinq mots-clés. Les pages suivantes présenteront le titre, le texte de la proposition et une courte bibliographie. Dans la phase de rédaction des articles, les auteurs se reporteront aux consignes publiées sur le site de la revue : http://www.radiomorphoses.fr/index.php/2016/05/09/consignes-redactionnelles/
« La radio en Afrique au XXIème siècle: mutations et enjeux »

Coordination : Etienne DAMOME (Université Bordeaux Montaigne), Sylvie CAPITANT (Université Paris 1), Nozha SMATI (Université Lille 3)
Alors que le continent Africain a été durablement présenté comme un espace privilégié du média radiophonique, les mutations profondes que connait le secteur médiatique, en Afrique comme ailleurs, tendent à redéfinir les pratiques, les usages et les modalités de fonctionnement de la radio en Afrique au début de ce XXIème siècle.
Les évolutions sont d’abord structurelles. Le secteur radiophonique, hérité de la libération des ondes des années 1990, est désormais relativement stabilisé. Mais beaucoup de radios, dans leur diversités (commerciales, associatives, publiques, religieuses) restent fragiles et peinent à définir un modèle économique durable dans un contexte de raréfaction des ressources extérieures, de modestie du secteur économique intérieur tout particulièrement dans les pays francophones, et une relance de la concurrence avec les projets d’informations numériques.
Un tiers secteur – qui n’a pas fini de s’inventer – s’est aussi développé. Divers acteurs de la société civile (associations, ONG, groupes religieux) font preuve d’une grande imagination pour couvrir tous les domaines de la vie sociale et culturelle. Des stations communautaires et associatives de toutes sortes contribuent ainsi à rapprocher encore plus la radio des populations et à faciliter son appropriation par les couches les plus populaires des sociétés africaines contemporaines.
Les mutations sont également technologiques. Le processus de numérisation est inconditionnellement en marche. Cependant il est loin d’être uniforme et d’engager le secteur dans sa globalité. Il existe en effet des inégalités parfois très grandes d’accès aux nouveaux équipements à l’échelle régionale, les radios de certains pays étant plus avancées que celles d’autres pays. Ce décalage existe aussi à l’intérieur d’un même pays, l’accès aux nouvelles normes techniques étant favorable à une minorité de promoteurs de radios qui ont les moyens de s’équiper et défavorable à une majorité constituée de promoteurs de radios associatives ou communautaires et de radios privées locales. Les inégalités existent par ailleurs entre les milieux urbains et les milieux ruraux, plus précisément entre capitales/grandes métropoles et le reste des territoires, notamment à cause de l’inégalité au niveau des équipements électriques.
Ces mutations technologiques ont des implications culturelles par la redéfinition du rapport au local qu’elles engendrent. Les TIC renouvellent considérablement aujourd’hui les audiences en donnant aux radios locales une diffusion internationale, grâce à la réception par les membres des différentes communautés linguistiques disséminés dans la diaspora. En même temps, elles renforcent leur ancrage local et identitaire, grâce à une couverture améliorée du
territoire. Mais les TIC transforment aussi les formes de participation, le développement de la téléphonie mobile ayant fait revenir à la radio des publics plus jeunes et plus urbains, tentés par l’écoute en mobilité, et renouvelé les moyens d’une co-construction de contenus médiatiques.
Les usages des TIC et du numérique créent de nouvelles pratiques professionnelles et médiatiques. On peut évoquer les tâches spécifiques liées à la diffusion sur Internet ou sur satellite. Mais il faut surtout noter l’intégration de plus en plus importante du téléphone mobile dans la production et la diffusion de l’information. Si ce nouvel outil « du pauvre » permet aux stations de contourner les limites imposées par le manque de matériel professionnel performant, il pose problème à ceux qui désirent des produits radiophoniques de qualité. Par ailleurs, il semble avoir fragilisé un peu plus la sécurité des journalistes en rendant plus facilement accessibles leurs données privées.
Enfin, les mutations sont aussi de nature sociale et politique. Les radios, malgré la montée en force d’autres outils d’information, sont les médias qui utilisent le plus les langues nationales africaines, se dotant ainsi d’une force de proximité et de diffusion inestimable. Les radios se sont aussi montrées capables d’assurer un rôle capital dans bon nombre de soulèvements populaires récents, les exemples burkinabè et burundais, bien que très différents, en sont une illustration frappante. Aussi dans le contexte postrévolutionnaire au Maghreb, le lancement de nouvelles radios constitue t-il un levier pour la promotion de la liberté d’expression et du processus de transition démocratique. En Tunisie, la création de radios privées et associatives, soutenues par des organismes nationaux et internationaux, contribue à la diversification du secteur audiovisuel. En dépit des multiples contraintes (juridiques, techniques, économiques, etc.) qui entravent leur fonctionnement, la naissance de ces radios est significative d’autant plus que la culture associative et citoyenne est récente dans ce pays. Le foisonnement de ces
médias, acteurs de la transition démocratique et de contre-pouvoir, reflète in fine une forte aspiration citoyenne à une information alternative et pluraliste, à une voix dissonante aux médias dominants.
La radio, loin d’être reléguée dans les bois sacrés de la tradition, se renouvelle et s’adapte. Le dossier invite les chercheurs et les professionnels à réfléchir sur les pratiques et les enjeux de ces métamorphoses.
Espaces géographiques
Malgré la diversité des situations, ce dossier s’intéresse à l’Afrique dans sa globalité dans le but de faire apparaître les spécificités sous régionales et parfois même nationales. Les données de l’Afrique du Nord sont autant attendues que celles de l’Afrique subsaharienne. Par ailleurs les exemples des pays anglophones ou lusophones seront particulièrement appréciés, surtout s’ils permettent une comparaison avec ceux de l’Afrique francophone.
Axes thématiques
Ce dossier souhaite interroger chercheurs et professionnels sur toutes ces questions et celles qui leur sont liées à travers cinq axes principaux.
Axe1 : Mutations structurelles, stratégiques et règlementaires
Qu’en est-il de la place de la radio aujourd’hui en Afrique ? Est-elle toujours le média roi ou les autres médias, sociaux ou non, sont-ils en train de la reléguer aux seules zones rurales ?
Voit-on se mettre en place des stratégies médiatiques sur le long terme ? Invente-t-on des modèles économiques viables ? Y a-t-il des formes innovantes de gouvernance en particulier dans les radios du tiers secteur ? La régulation a-t-elle suivi ces évolutions ?
Axe2 : Conséquences sociales, culturelles et juridiques des mutations liées au numérique
Quels sont les exemples de numérisation réussie ? Dans quelle mesure cette évolution pourrait-elle présenter de nouvelles opportunités pour le paysage radiophonique africain et en même temps maintenir l’ancrage local et le lien privilégié avec le public africain ? Quels sont les risques pour la perte d’identité des radios communautaires ? Quelle possibilité pour les radios privées de conserver la main sur leur diffusion dans des pays autoritaires ?
Axe3 : Implications des mutations technologiques sur la réception
Quels publics ? Quelles formes de participation les TIC permettent-elles ? Quelles incidences ont-elles sur l’accès aux contenus informationnels ? Quelles productions citoyennes d’informations enregistre-t-on ? Quels nouveaux usages citoyens de la radio observe-t-on ?
Par ailleurs, y a-t-il une réelle amélioration des conditions de réception ? Quelles catégoriesde la société en bénéficient le plus ?
Axe4 : Transformations des pratiques professionnelles
Quels sont les différents usages et appropriations des TIC en journalisme radiophonique ?
Quels impacts ces usages ont-ils sur les pratiques et identités professionnelles ? Y a-t-il des risques pour une information de moindre qualité ? Y a-t-il des risques pour un bon exercice du métier et pour la sécurité personnelle du journaliste radio ? Quels rapports les journalistes entretiennent-ils avec leurs sources et leurs publics?
Axe 5 : Rôle politique et social des radios ?
Quel rôle des radios dans les crises politiques et sociales ? La place des acteurs radiophoniques dans l’espace public ? Leur capacité à soutenir des débats démocratiques ou alors à renforcer les oppositions ? Leur capacité à faire dialoguer ? Leur capacité à la redevabilité des acteurs politiques et économiques ? Se sont-elles autonomisées de l’approche très prégnante des bailleurs de fonds qui les lient au projet développementaliste ?
Soumission et procédure d’évaluation
L’évaluation sera assurée en double aveugle par le comité de lecture sur la base d’un résumé en français ou en anglais de 3500 signes au format Word comportant un titre, le nom de (des) auteur-e(s), son affiliation universitaire, ses coordonnées complètes. L’auteur précisera la problématique, les objectifs ainsi que quelques références bibliographiques. Les consignes de r rédaction et recommandations aux auteurs sont disponibles sur le carnet de recherche RadioGraphy : http://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/1185/files/2015/07/ICI.pdf
Les propositions sont à adresser au plus tard le 15 décembre 2015 aux trois adresses suivantes : etiennedamome@gmail.com ; sylviecapitant@rocketmail.com ; nozha.smati@univ-lille3.fr
Calendrier
15 décembre 2015 : soumission du résumé
15 janvier 2016 : Sélection des propositions et notifications aux auteurs
15 mars 2016 : remise des articles intégraux (entre 30000 et 35000 signes espaces, notes et
bibliographie compris)
Comité de lecture
ANTOINE Frédéric, Université Louvain-la-Neuve, Belgique
AMSIDDER Abderrahmane, Université IBN Zohr Agadir, Maroc
ASSOGBA Henri, Université de Laval, Canada
AW Rokaya Eugénie, CESTI, Sénégal.
BART Annie, Université Bordeaux Montaigne, France
CANDEL Etienne, Université Paris 4, France
DA LAGE Émilie, Université Lille 3, France
FAURÉ Laurent, Université de Montpellier, France
FRÈRE Marie-Soleil, Université de Bruxelles, Belgique
GAZI Angeliki, Université de Limassol, Chypre
GUAYBESS Tourya, Université de Lorraine, France
KIYINDOU Alain, Université Bordeaux Montaigne, France
MEYER Vincent, Université de Nice Sophia Antipolis, France
SANTOS SAINZ Maria, Université Bordeaux Montaigne, France
STARKEY Guy, Université de Sunderland, Royaume-Uni
ZAMIT Fredj, Université de la Manouba, Tunisie