Marcy DELSIONE OVOUNDAGA
Marina MATSANGA NZIENGUI
Delcia MBOUMBA NDEMBI
Résumé
L’objet de cet article est d’appréhender la place de radio campus Libreville, en tant que canal d’information de la communauté universitaire gabonaise. Pour ce faire, nous abordons la question de l’enjeu de l’existence de ce média au XXIe siècle en nous plaçant du côté des publics. Ceci afin de mieux comprendre son apport au sein de la communauté universitaire, mais bien plus encore de déterminer in fine si des adaptations ou des mutations sont nécessaires ou envisageables face à une évolution du secteur radiophonique et à des publics de plus en plus exigeants. L’analyse développée ici s’appuie sur une enquête de terrain menée auprès des étudiants de différentes écoles et universités gabonaises.
Mots clés : Radio Campus, Libreville, Gabon, statut, enjeux, plateforme d’échange, communauté universitaire, étudiants.
Abstract
The aim of this article is to ascertain the importance of Radio Campus Libreville as an information conduit for Gabon’s university community. To do this, we explore the significance of radio as a 21st century media platform from the perspective of the general audience. This will not only allow us to better understand and assess the contributions of the broadcast platform to the university community, but also to establish if changes or adaptations are needed or feasible response to the evolution of the radio sector and an increasingly demanding audience. This analysis is based on a field study conducted among students from different Gabonese universities and tertiary academic institutions in the country.
Keywords : Radio Campus, Libreville, Gabon, status, issues, platform exchange, community university, students
Resumen
El propósito de este artículo es comprender el lugar que ocupa la radio de la universidad Libreville como canal de información de la comunidad universitaria de Gabón. Para ello abordaremos lo que está en juego a través de la existencia de este medio de comunicación en el siglo XXI situándonos en el lugar del público. Esto con la finalidad de comprender mejor el aporte de esta radio en el seno de la comunidad universitaria, y más aún, para determinar, en última instancia, si las adaptaciones o mutaciones son necesarias o posibles ante la evolución del sector radiofónico y de públicos cada vez más exigentes. El análisis desarrollado aquí está basado en una encuesta de campo efectuada ante estudiantes de diferentes escuelas y universidades gabonesas.
Palabras claves: Radio Campus, Libreville, Gabon, estatuto, problemas, plataforma de intercambio, comunidad académica, los estudiantes
Le paysage radiophonique au Gabon a connu d’importantes mutations depuis la libéralisation du secteur en 1991, débouchant ainsi sur la création de plusieurs chaînes de radio. Si la création de certaines radios a été le fruit d’initiatives privées, d’autres par contre ont vu le jour sous l’impulsion des autorités étatiques. Car comme nous le montre André-Jean Tudesq, malgré la libéralisation, « l’influence de l’État n’en reste pas moins très présente non seulement par son action sur les radios publiques […], mais aussi par les nouvelles législations » (Tudesq, 2002 : 21). Au Gabon, les pouvoirs publics demeurent un acteur fort dans le développement et la création des nouveaux médias. Le cas de Radio Campus Libreville créée en 2005 en est une illustration patente. Cette radio a été créée dans l’optique de répondre aux besoins informationnels de la communauté universitaire gabonaise. Cependant, le mutisme observé en période de crise dans les universités soulève des interrogations quant aux objectifs assignés à sa création. En effet, les universités gabonaises sont souvent traversées par de nombreuses crises. Si certaines d’entre elles sont causées par le retard des paiements des bourses des étudiants et des primes des enseignants, d’autres en revanche résultent du manque d’informations sur les réformes institutionnelles engagées dans les universités. Cet état de fait est perceptible dans le rapport d’évaluation de l’université Omar Bongo : « l’enseignant […] n’est pas toujours associé, voire informé sur les réformes auxquelles il est censé jouer un rôle majeur (notamment la réforme LMD) » (rapport d’évaluation UOB, 2011) et les étudiants ne se sentent pas parfois intégrés à la vie de l’université.
Dès lors, plus de dix ans après sa création, la question aujourd’hui est de savoir quels peuvent être les enjeux liés à l’existence de Radio Campus au sein de l’université gabonaise ? Par ailleurs, conformément aux objectifs qui lui ont été assignés, constitue-t-elle une plateforme d’échange pour la jeunesse gabonaise en général et celle universitaire en particulier ? Comment est-elle perçue par son public aujourd’hui ? Autrement dit, que pensent les jeunes de cette radio ?
L’objectif de cet article est d’aborder d’une part la question du statut de certaines radios au Gabon et leur rôle social à partir de l’exemple de Radio Campus, et d’autre part de voir quel regard le public cible porte aujourd’hui sur ce média et les enjeux que cela implique. Ceci dans l’optique de mieux comprendre la place qu’occupe ce média dans le quotidien des étudiants et d’entrevoir si des mutations ou des adaptations sont envisageables ou nécessaires.
Pour la réalisation de notre travail, nous mobiliserons deux dimensions. D’abord, nous nous situerons dans une dimension politique des moyens de communication, ceci à travers la recherche du statut et du rôle donné à Radio Campus. À ce sujet, certaines investigations sur le plan francophone africain ont déjà mis au goût du jour les visées interventionnistes des politiques dans l’organisation et le fonctionnement des médias audiovisuels. Ils attestent, notamment, de la facilité qui existe dans cette aire géographique en ce qui concerne la mise en place des cadres réglementaires plus favorables aux radios communautaires et associatives. (Capitant et Frère, 2011). Bien que ces assertions traduisent la réalité du rapport entre médias et pouvoirs au Gabon, il demeure néanmoins que la faiblesse des études portant spécifiquement sur la radio est un argument valable pour se pencher sur la définition de son statut et l’impact de celui-ci sur son contenu. Pour ce faire, nous nous appuierons essentiellement sur un ensemble de ressources documentaires. Ensuite, pour l’étude de sa portée médiatique et l’examen de son impact sur le public, nous nous situerons dans une dimension psychosociologique. Ici, loin de prétendre réaliser une étude d’audience, nous nous appuierons sur un échantillon de 200 étudiants interrogés de janvier à avril 2015 dans les universités et grandes écoles de Libreville (capitale du Gabon).
Une station radio au cœur de l’université gabonaise : entre difficultés statutaires et objectifs
Dans cette partie, nous présenterons le contexte de création de Radio Campus en nous appuyant davantage sur la question de son statut avant d’aborder les objectifs assignés à sa création.
Un statut mitigé…
Le centre de radiodiffusion universitaire dénommé Radio Campus a été créé durant la rentrée académique 2004-2005. Implantée au sein de l’université Omar Bongo, elle est un don du président Omar Bongo à l’institution universitaire. Sa création avait pour ambition de pallier le déficit d’informations observé dans les grandes écoles et universités gabonaises. En effet, face aux nombreuses crises observées dans ce milieu, l’absence d’informations avait souvent été pointée comme l’une des causes. Ce nouveau média venait donc combler un vide observé dans le fonctionnement des universités. Mais dans son organisation et la définition de ses statuts, une mainmise étatique s’imposa rapidement. Une réalité qui met à mal un organe qui semblait être la propriété exclusive des Universités. Car vu son processus de création, cet outil de communication présentait des allures de radio communautaire, gérée par la communauté universitaire et devant répondre aux aspirations de cette dernière. Malheureusement, cela ne fut pas le cas. Le statut de Radio Campus sera défini par les pouvoirs publics. Or, comme nous l’enseigne une étude réalisée par l’Unesco sur le développement des médias au Gabon, « l’État promeut un mélange varié des médias publics, privés et communautaires », en matière de catégorisation et de définition des statuts des médias (Rapport UNESCO-PNUD, 2014 : 2-3). C’est cet état de fait qui se répercute assurément sur la situation statutaire de cette nouvelle radio. Loin d’être considérée comme une station communautaire, Radio Campus est définie comme une radio thématique à vocation éducative. Si ce statut en apparence ne semble pas poser problème, la responsabilité tutélaire sous laquelle sera placé le média reste sujette à caution. En effet, Radio Campus est dès sa naissance sous double tutelle. Sur le plan technique, elle est sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur (les deux ministères étant jumelés à cette période). Sur le plan administratif, elle est sous la responsabilité du ministère de la Communication. Cette situation la met dans les mêmes dispositions statutaires que celles des médias publics. Et cela se matérialise par l’affectation des agents publics issus du ministère de la Communication pour la gestion de la chaîne.
Le média qui était présenté comme une propriété de la communauté universitaire rentre par cette situation statutaire dans la liste de ces entreprises publiques où les dirigeants sont nommés en conseil des ministres. Or au Gabon, la critique est accablante sur le fonctionnement des médias publics : on parle souvent de forte politisation, de manque d’indépendance vis-à-vis du pouvoir public, d’absence de traitement des sujets en rapport avec le quotidien des Gabonais. Bien que dans son fonctionnement la radio compose avec les étudiants des différentes facultés, il demeure que les journalistes qui sont à la charge de sa rédaction sont des agents du service public.
Ce cadre organisationnel maintient le nouvel outil dans une situation de mainmise étatique qui peut nourrir des interrogations quant aux objectifs qui lui ont été assignés.
Objectifs
À la création de Radio Campus, les objectifs étaient clairement définis. Il fallait bien entendu répondre à un besoin qui se faisait sans cesse ressentir dans le milieu universitaire, mais il s’agissait surtout pour cette radio de remplir des missions bien précises. Le contenu de l’article 3 de l’arrêté N°47 du 25 janvier 2005 est explicite à ce sujet : « le centre de radiodiffusion Radio Campus est une station de diffusion de statut public chargé de répondre aux besoins d’informations, de communications et de divertissement de la communication universitaire (et qui assure) notamment : la diffusion de l’information administrative liée au fonctionnement de l’université ; la production et la diffusion de l’information culturelle ; la production et la diffusion de l’information scientifique » (Arrêté N°47 du 25 janvier 2005). Ainsi, l’un des premiers objectifs était d’être un organe d’informations à part entière pour l’institution universitaire. Il était question d’avoir une tribune qui permettrait à l’administration, aux enseignants et aux étudiants de mieux relayer des informations les concernant. Celle-ci se devait donc d’informer les acteurs du monde universitaire sur les problèmes auxquels ils sont confrontés. Face à la carence d’outils d’informations observée dans le passé, Radio Campus se devait d’être une « tribune officielle » pour l’ensemble de la communauté universitaire.
Le second objectif était celui de faire la promotion des activités universitaires. Cet objectif découlait de l’ambition de sortir les grandes écoles et universités de leurs barrières. Le but était de faire la promotion des activités menées dans les différentes facultés, pour non seulement permettre aux étudiants de participer à la vie de leur institution, mais également de donner la possibilité aux futurs étudiants de mieux connaître les filières dans les différentes universités et grandes écoles. Et bien au-delà, on lisait une réelle ambition pédagogique dans la diffusion des connaissances. C’est vraisemblablement de cet objectif qu’émanait le slogan de la chaîne : « Radio Campus, la radio du savoir ».
Enfin, Radio Campus se devait également de faire la promotion de la culture du Gabon. Cette mission répondait à l’impératif de permettre à la jeunesse de connaître l’histoire nationale. Mais cet aspect devait également s’ouvrir sur la découverte des civilisations étrangères.
C’est autour de ces trois objectifs que s’est construite la ligne éditoriale. Depuis 2005, c’est sur cette base que s’appuient les responsables de la chaîne pour la confection des programmes. Bien que ces objectifs soient nobles dans leur essence, n’est-il pas plus intéressant d’apprécier leur effectivité sur le terrain en se plaçant cette fois du côté des publics ?
Les étudiants et la réception de Radio Campus
Le nombre de radios ne cesse de croître au Gabon avec des thématiques axées aussi bien sur le religieux, la politique ou encore les productions musicales. Il paraît donc important aujourd’hui, pour mieux cerner la place de Radio Campus, de se positionner du côté des publics afin d’apprécier le regard que les étudiants portent sur ce média.
Place de Radio Campus en tant qu’organe d’information des étudiants
La radio a longtemps été présentée en Afrique comme le média le plus accessible. Son accessibilité pouvait se lire aussi bien sur le plan géographique, économique, mais aussi culturel. L’accessibilité géographique se traduisant par sa capacité à couvrir même les zones les plus enclavées. Le facteur économique met en avant le faible coût qu’implique l’achat d’un poste radio par exemple et le facteur culturel renvoie à la pérennisation de « l’oralité » à laquelle est souvent identifié le peuple africain. Cependant, aujourd’hui ces critères ne suffisent plus pour garantir le succès d’un média radiophonique. L’enjeu est maintenant tourné vers la capacité du média à captiver des auditeurs. Et pourquoi pas à en fidéliser le plus grand nombre, dans un contexte où la concurrence est de plus en plus marquée aussi bien entre médias radiophoniques, mais aussi avec d’autres médias. Si les responsables de ces radios ont un rôle important à jouer dans cette démarche, le regard que porte l’auditeur sur ces médias est tout aussi déterminant dans la bonne marche d’une radio.
L’exemple de Radio Campus met en avant un média qui peine à s’affirmer dans une communauté dont elle est censée être le principal outil d’information. En effet, les résultats de notre enquête laissent apparaître que sur 200 étudiants interrogés, seuls 19% d’entre eux sont des auditeurs de Radio Campus. Il apparaît clairement que la radio qui a été créée dans l’optique d’être le canal de communication par excellence de la communauté universitaire n’est pas vraiment suivie par son public privilégié. Plus de 81% d’étudiants aujourd’hui avouent ne pas écouter Radio Campus et, pis encore, plusieurs d’entre eux n’ont même pas connaissance de son existence. Cet état de fait semble confirmer les conclusions de l’étude exposant le mal-être de l’étudiant à l’Université Omar Bongo. Dans celle-ci il est dit que les étudiants « apparaissent comme des sous-hommes et des sous-femmes et n’ont aucun droit si ce n’est celui de subir des vexations et des refus : pas d’accès au règlement intérieur, ni aux curricula, ni aucune autre information qui les concerne » (Agence Universitaire de la Francophonie, Institut Panafricain de Gouvernance Universitaire, 2010 : 11). Ce rapport jette un discrédit sur la place de Radio Campus en tant que principal organe d’information.
Interrogés sur les raisons de cette faiblesse d’audience et du désintérêt pour cette radio, les avis des étudiants sont par ailleurs plus au moins unanimes. Ils pointent du doigt : le manque d’attractivité de la chaîne ; la qualité des programmes ; le manque de communication sur l’existence de ce média, notamment auprès des nouveaux étudiants (qui constituent une part très importante de ceux qui n’écoutent pas) pour ne citer que cela. L’une des premières constatations qui découlent de ces avis est que la radio qui était censée résoudre les problèmes de communication au sein de l’université ne semble pas remplir cette mission. Bien au contraire, elle se retrouve elle-même aujourd’hui sujette à de nombreuses critiques quant à son rôle au sein de l’université. En effet, si elle continue d’émettre, sa position en tant que principal organe d’information semble contestée. La faiblesse de son auditoire, et les programmes jugés parfois inadaptés à la communauté qu’elle représente constituent de plus en plus des points faibles.
À côté de cela, il faut noter que l’implantation de cette radio au sein de l’université Omar Bongo a contribué à une certaine limitation de ce média à cette seule université quand bien même celle-ci est avant tout une radio destinée à l’ensemble de la communauté universitaire gabonaise. La couverture hertzienne de Radio Campus sur l’Université Omar Bongo et ses environs n’est pas de nature à faciliter une meilleure implication des autres écoles et universités quand on sait que certains établissements sont très éloignés des zones couvertes. Comment prétendre alors être un organe d’information des étudiants quand on n’est même pas écouté ou connu par ces derniers ? Aussi, à quoi sert-il d’avoir pour ambition d’être le principal média de l’ensemble de la communauté estudiantine quand le signal de Radio Campus reste limité à l’université Omar Bongo et à quelques quartiers environnants ?
Dans ce contexte, l’enjeu pour cette radio n’est donc plus d’affirmer, conformément à ses statuts, qu’elle est effectivement la radio de la communauté universitaire, mais de parvenir à pouvoir montrer que les étudiants sont au cœur de son fonctionnement. Pour qu’elle soit considérée comme la meilleure courroie de transmission des difficultés que vivent les étudiants au quotidien, il faut qu’elle manifeste un réel intérêt face aux maux qui minent l’université et cela à travers ses programmes. Si les difficultés que rencontrent les étudiants au quotidien semblent très peu faire l’objet de débats dans les médias publics, peut-on dire que Radio Campus aujourd’hui contribue à pallier ce manque en se présentant comme plateforme d’échange entre étudiants ?
Radio Campus une plateforme d’échange pour les étudiants
Au départ l’objectif de Radio Campus était d’être une tribune officielle pour la communauté universitaire. Ce rôle ainsi défini place nécessairement ce média comme une plateforme d’échange pour l’ensemble de ses acteurs. Mais aujourd’hui, les étudiants la considèrent-ils comme une plateforme d’échange traitant des sujets en rapport avec leur vie étudiante et les débats nationaux actuels ? Sur ce point, leurs opinions sont convergentes. Déjà, une première impression nous est donnée à travers sa faible cote de popularité auprès des étudiants ; sur 200 étudiants interrogés, seuls 38 sont des auditeurs de cette radio, soit 19%. Statistiquement, il est très difficile d’affirmer que ce média constitue une tribune d’échange pour les étudiants quand son audience n’est pas significative chez ces derniers.
De plus, les avis recueillis auprès des étudiants sont convergents sur la non-reconnaissance du statut de plateforme d’échange à Radio Campus. Loin d’être cette tribune, ils disent qu’elle ne participe pas aux débats qui animent l’université. Certains la trouvent non représentative de la communauté universitaire. D’autres par contre disent que c’est une radio politisée, et elle ne peut donc pas traiter les réels sujets de l’heure.
Pour une meilleure illustration de l’aspect qualitatif de notre enquête, nous avons tenu à rassembler dans un tableau quelques avis pertinents des étudiants sur le rôle social de Radio Campus.
Question | Réponses des étudiants |
Pensez-vous que Radio Campus est une plateforme d’échanges pour la communauté universitaire ? |
– « je pense que cette radio est plus une plateforme de promotion et de vulgarisation des événements musicaux qu’intellectuels voire universitaires » – « Radio Campus n’a jamais été une plateforme de débats pour la communauté universitaire parce qu’une forte politisation paralyse ce milieu » – « C’est justement ça le problème de Radio Campus, les sujets sont choisis de manière à ce que les vrais débats universitaires ne s’effectuent pas. L’étudiant ne peut pas se manifester ou dire de vive voix ce qu’il pense. JE DIS NON ». |
Source : Données de l’enquête
Mieux encore, plusieurs d’entre eux spécifient clairement que cette radio ne peut aucunement constituer une plateforme d’échanges pour les étudiants, car les émissions diffusées sont pour la grande majorité tournées vers le divertissement. Des émissions, telles que Hip-Hop Décibel, Sledge Hammer Musique, diffusées en prime time occupent une place prépondérante dans la grille des programmes.
Cet éloignement de ses nobles objectifs de départ ne résulte-t-il pas de son statut de média public ? Car au Gabon, il est démontré que « les sujets traités par les médias publics ne relèvent pas de la vraie vie des gens » (Rapport UNESCO-PNUD, 2014 : 66). Et pour Radio Campus, plusieurs étudiants interrogés confirment cette réalité : « La radio n’a pas un contenu qui cadre avec nos préoccupations actuelles et elle ne peut donc être un espace de débat pour nous ». Or, pour qu’un média soit un espace de débats ou d’échanges pour son public, il faut nécessairement que son contenu soit le reflet des réalités sociales de leur quotidien. La situation de cette station universitaire semble vraiment contraire à cet idéal.
Conclusion
Au terme de notre analyse, nous disons que Radio Campus Libreville qui a été créée dans le but de pallier les déficits de communication en milieu universitaire, ne remplit pas cette mission. Les objectifs qui lui ont été assignés au départ sont nobles et réalisables, mais son statut actuel pose problème quant à leur effectivité sur le terrain. Ce qui devait être un média de la communauté pour la communauté rejoint vite le rang des médias publics. Cette disposition statutaire empêche ce média de réellement servir les acteurs du monde universitaire. Son fonctionnement étant déterminé par les instances étatiques, son rôle semble souffrir du mutisme observé dans les médias publics quant au traitement de sujets en rapport avec le quotidien des Gabonais. Au-delà, l’impact de cette radio sur le public étudiant laisse percevoir une réalité accablante. Il est ressorti de notre enquête qu’elle n’est pas vraiment écoutée (seulement 19% sur 200 étudiants enquêtés). Radio Campus n’est donc pas un organe d’information central pour son public privilégié. Loin de la considérer comme le principal outil d’information, il ne la trouve pas utile pour la communauté universitaire. Si la qualité des programmes est pointée du doigt, la restriction au niveau des zones urbaines qu’elle couvre constitue aussi une limite dans sa portée. Avec tous ces points négatifs, il est difficile de la considérer comme une plateforme d’échange pour la jeunesse gabonaise. Et d’ailleurs à ce sujet, l’avis des étudiants est négatif. Cette radio ne constitue pas un espace de débat pour eux.
Cette situation nous interpelle sur l’utilité actuelle de cette radio pour l’institution universitaire. À l’heure où plusieurs étudiants avouent recourir aux réseaux sociaux pour avoir des informations sur les universités et participer aux débats qui animent leur quotidien, cette radio n’a ni blog, ni page Facebook, encore moins, un moyen d’écoute numérique. Ne serait-il pas temps de penser une réadaptation de ce média ? Aussi, pour mieux servir la communauté à laquelle elle est destinée, ne serait-il pas judicieux de revisiter ses statuts ?
Bibliographie
Arrêté N°47 du 25 janvier 2005 portant création et organisation de Radio Campus.
CAPITANT Sylvie, FRÈRE Marie-Soleil. Les Afriques médiatiques. Introduction thématique, Afrique contemporaine 4/2011 (n°240), pp. 25-41, [en ligne] URL:www.cairn.info/revue-afrique contemporaine-2011-4-page-25.htm, consulté le 26 mai 2016.
Rapport UNESCO, Étude sur le développement des médias au Gabon, Libreville : Unesco, 2011.
TUDESQ André-Jean. l’Afrique parle, l’Afrique écoute. Les radios en Afrique subsaharienne, Paris : Karthala, 2002, 315 p.
Pour citer cet article
Marcy DELSIONE OVOUNDAGA, Marina MATSANGA NZIENGUI, Delcia MBOUMBA NDEMBI. « Une radio pour la communauté universitaire : Radio Campus Libreville un média capital pour les étudiants ? », RadioMorphoses, [En ligne], n°3 – 2018, mis en ligne le « 20/05/2018 », http://www.radiomorphoses.fr/index.php/2018/05/21/radio-campus-libreville/